À une époque où l’on continue de raisonner en termes de cases et d’étiquettes, nous proposons de porter sur les hommes un regard plus kaléidoscopique. Car nous sommes à nouveau plusieurs. Lors de la saison 2019-2020, nous nous penchons sur l’art et l’identité : nous cherchons l’homme qui se cache derrière l’artiste, nous présentons des œuvres censées affirmer jadis l’identité d’un peuple et questionnons les archétypes du passé. Mais avant tout, nous allons nous rencontrer autour de nombreux spectacles de musique et de danse qui stimulent les sens et la réflexion.
Cher public,
Plus besoin de vous présenter Jean-Sébastien Bach, Iván Fischer ou Anne Teresa De Keersmaeker. Peut-être que si, après tout ? En fait, que savons-nous d’eux, au-delà de leur étiquette la plus visible de compositeur, chef d’orchestre et chorégraphe ? Dans quelle mesure une découverte plus approfondie enrichirait-elle, ou recentrerait-elle l’image que nous avons de ces personnalités ? À une époque où l’on continue de raisonner en termes de cases et d’étiquettes, nous proposons de porter sur les hommes un regard plus kaléidoscopique. Car nous sommes à nouveau plusieurs.
Nous sommes tous à l’intersection de toute une série d’ensembles et entrons ainsi en relation avec des êtres humains extrêmement différents. Le monde se complexifie et se diversifie, c’est pourquoi nous devons, dans le regard que nous portons sur l’autre également, lutter contre la simplification. Lors de cette saison, nous nous attarderons à de nombreux niveaux sur l’art et l’identité, et questionnerons les archétypes du passé.
D’où viens-tu ? est une question à laquelle nombre d’entre nous pourraient difficilement apporter une réponse. Aujourd’hui, 250 millions de personnes vivent dans un pays qui n’est pas leur pays natal. C’est le cas de la philosophe de la saison Dalilla Hermans par exemple. Née au Rwanda et adoptée par une famille belge, elle porte un regard très nuancé sur la notion de chez-soi. Avec son âme sœur rwandaise, la chanteuse Teta Diana, elle nous emmène sur sa terre natale. Lors de cette saison, Dalilla dialogue avec les artistes et les jeunes ; des conversations allant au-delà des étiquettes humaines. Avec Elim Chan, elle abordera la question du genre dans le domaine de la direction d’orchestre, tandis que Chi-Chi Nwanoku expliquera pourquoi son dynamique Chineke! Orchestra reste nécessaire pour offrir davantage d’opportunités aux musiciens et compositeurs noirs.
Musique et identité... l’association était simple il y a un peu plus d’un siècle : les « écoles nationales » avaient pour vocation de donner une personnalité uniforme à une nation et un peuple. Des compositeurs comme Grieg, Sibelius, Bartók et Rimski-Korsakov ont composé d’innombrables chefs-d’œuvre puisant leur inspiration dans le folklore. Ibsen, l’auteur de Peer Gynt, mettait par écrit des récits de montagnards, tandis que Bartók reprenait les mélodies de chants ancestraux. Face à tant de ferveur nationale, Helmut Lachenmann apporte une touche critique avec sa Tanzsuite mit Deutschlandlied, et l’ensemble de solistes berlinois Kaleidoskop offre à Peer Gynt un sérieux coup de jeune en y créant un espace pour de nouvelles voix. Plus d’une fois lors de cette saison, nous rencontrerons des projets hybrides entre passé et présent, entre racines populaires et art, du mélange entre hip-hop et danse contemporaine à la parenté entre musique baroque et chansons folk méditerranéennes.
L’identité n’est donc jamais figée, mais en constante évolution. Le oud occidental, également appelé luth, nous en donne un exemple frappant. C’est à partir de cet instrument arabe que différentes variantes se sont imposées en Occident (le luth) et en Extrême-Orient (le pipa), et ont développé leur propre tradition. Et le oud devint plusieurs.
Quatre grands festivals du Concertgebouw nous proposent de regarder au-delà des étiquettes. Lors de la Bach Académie, nous rendrons visite à la famille Bach, nous nous attarderons sur l’arbre généalogique de Jean-Sébastien et jetterons un œil dans sa bibliothèque. L’artiste en résidence Vox Luminis ouvre le recueil de motets Florilegium Portense, un projet de recherche artistique de plusieurs années prenant un nouveau départ lors du festival.
Notre curateur Needcompany investit les lieux culturels brugeois lors du festival December Dance. Needcompany est à nouveau plusieurs, car derrière cette célèbre compagnie se cachent trois réalisateurs qui – bien que produisant chacun un travail personnel très différent – forment une grande famille. Lors du Festival de Budapest, nous apprendrons qu’Iván Fischer est certes un chef d’orchestre unique, mais également un compositeur et un citoyen engagé. Iván Fischer a ainsi développé un concert familial pour les enfants autistes et a composé un opéra pour enfants avec une réelle fibre paternelle pour les jeunes oreilles. Le nouveau festival de piano Too many keys se concentre le temps d’une journée sur la musique minimaliste. Steve Reich et Philip Glass, évidemment ! Mais connaissez-vous également le compositeur noir culte Julius Eastman ?
L’identité plurielle du Concertgebouw de Bruges se doit elle aussi de faire partie de cette saison. Si la maison est le miroir de l’identité, notre très particulière Salle de musique de chambre symbolise l’intimité qui se crée entre l’artiste et le public. Ces tête-à-tête entre les deux principaux acteurs de la pratique artistique sont au centre d’un ambitieux festival de musique de chambre programmé en février : 17 concerts clôturés chaque soir dans un pop-up lounge situé au sixième étage avec une vue époustouflante sur la ville.
Bruges occupe d’ailleurs une place particulière dans le programme, avec un menu festif dédié au légendaire compositeur Joseph Ryelandt ainsi qu’un grand volet consacré au compositeur de la saison, Daan Janssens. La deuxième édition du festival GOLD mettra également à l’honneur les compositeurs et lieux musicaux du 15e siècle à Bruges.
Lors de cette saison, la famille du Concertgebouw sera à nouveau plusieurs, et nous invitons toutes les personnes intéressées à y prendre part, si possible activement. Participez à la construction de l’installation interactive 100 identity cups de notre collègue Peter De Bruyne ou passez un moment avec les musiciens d’Anima Eterna Brugge lors de Dating the artist. Dansez au rythme du chorégraphe Serge Aimé Coulibaly dans son tout nouveau spectacle Kirina et emmenez les (petits) enfants à l’événement Iedereen Klassiek ou à notre Matinée Ateliers. Ceux et celles qui n’ont (presque) plus de voix pourront créer une symphonie aphone lors de Unfold Bach et de jeunes curateurs présenteront une Icône de Grieg dans leur propre univers. Les reporters créatifs touche-à-tout de Soundcast formuleront quant à eux une réponse personnelle au thème de la saison et organiseront trois entretiens consacrés à l’identité, qu’ils diffuseront sur leur chaîne YouTube.
L’artiste de la saison est cette fois – comment pourrait-il en être autrement – un artiste de collage. Anthony Gerace a réalisé un portrait de huit membres de la communauté du Concertgebouw – artistes, personnel, public – puis a traité les photos sur du papier vintage. Il a ainsi fait apparaître une composition multicolore qui invite à dépasser la première impression.
Le dernier mot revient à Beethoven… dont nous fêtons le 250e anniversaire comme il se doit en toute intimité, avec cinq symphonies en format de poche. Dans la version pour deux pianos de sa Neuvième symphonie, nous serons nous-même mis à contribution pour chanter sa devise : Alle Menschen werden Brüder.
Soyez les bienvenus !
Jeroen Vanacker
Directeur artistique
* Le titre est emprunté au livre d’images poétique éponyme « Ik ben weer velen » (Je suis à nouveau plusieurs) sur des textes de Maud Vanhauwaert.
Une salle de concert à l’acoustique de réputation mondiale. Une institution artistique flamande au cœur de la ville de Bruges, patrimoine mondial. Un espace pour la danse contemporaine. Une référence architecturale. Une place pour la musique (classique), ancienne, nouvelle, novatrice. Un havre pour les arts plastiques. Un lieu de travail ou de halte. Un point d’ancrage ou d’innovation.
Le Concertgebouw est à nouveau plusieurs. Et cette multiplicité est notre force. Nous nous investissons à cent pour cent afin d’offrir une expérience unique, non seulement aux amateurs de concerts, mais également à la société au sens large. Nous aimons aller au fond des choses, avec un ou une philosophe éclairant le thème de la saison sous différentes perspectives, avec des lectures ouvrant de nouveaux horizons ou des rencontres marquantes. Nous ne parlons pas uniquement à la raison, mais également au cœur, à l’émotion ou à l’étonnement suscité par une mélodie, ou une image. L’esprit d’entreprise est dans nos gènes. La location de nos espaces est en plein essor. Les organisateurs de congrès, de soirées d’entreprise ou de fêtes privées sont nombreux à vouloir organiser leur événement dans notre cadre unique. Nous tenons à travailler de façon écologique et innovatrice, et sommes pleinement conscients des nombreux défis auxquels nous sommes confrontés dans ce domaine en tant qu’institution culturelle au sein d’un secteur artistique international.
Le Concertgebouw est fait par plusieurs. Chaque jour, plus de 65 personnes – des programmateurs aux collaborateurs de la communication en passant par les techniciens – donnent le meilleur d’elles-mêmes pour vous proposer des productions artistiques. La mosaïque de photos au dos de cette brochure vous permet de mettre un visage sur un nom célèbre ou un nom sur un visage familier. Avec les nombreux collaborateurs et bénévoles participant aux différents projets, nous formons l’âme d’une institution culturelle tournée vers l’humain et la personne. Les acteurs de nos projets se trouvent également au-delà de nos murs terracotta, que ce soit dans notre ville ou bien au-delà. Nous sommes un fidèle partenaire du milieu culturel brugeois, nous créons de précieuses alliances avec les établissements scolaires et, avec le CPAS ou les établissements de soins, nous donnons corps à notre engagement social. Des partenariats durables avec des organismes de subvention et sponsors nous offrent les ressources nécessaires pour parvenir à accueillir et enthousiasmer autant que possible notre public et nos artistes.
Le Concertgebouw est fait pour plusieurs. Grâce à une offre diversifiée, nous parvenons à satisfaire une large palette de goûts et préférences, même si notre vocation est également de susciter l’intérêt pour la nouveauté. Notre site web, nos bulletins d’information, magazines et programmes contiennent de nombreuses suggestions destinées tant aux amateurs de découvertes qu’à ceux et celles qui préfèrent garder leurs habitudes. Nous voulons également tendre la main à un public pour lequel l’accès à notre institution accueillante n’est pas nécessairement évident. Jeunes, personnes défavorisées ou handicapées : nous faisons le maximum pour associer toutes ces personnes à notre programme. La plus jeune génération a vraiment trouvé sa place dans nos murs, même si nous nous sommes engagés, avec la signature en mars du manifeste de la famille, à poursuivre nos efforts au cours des années à venir pour faire du Concertgebouw un lieu convivial pour les enfants et leurs familles. Le Concertgebouw donne des ailes aux artistes. Nous leur offrons un espace de répétition et de création. Cinq compagnies de musique et de danse ont littéralement élu domicile chez nous. Nos artistes en résidence sont heureux de venir se poser ici. Cette saison du Concertgebouw sera une ode à la diversité, dans notre programme mais avant tout en nous-mêmes. À cette saison aussi riche et haute en couleurs que nos habitants et nos visiteurs !
Katrien Van Eeckhoutte
Directrice générale